Pasteur.e.s de l'UEPAL, nous tenons à exprimer notre reconnaissance pour la démarche synodale engagée par notre Eglise sur le principe fondateur de l'autorité de l'Ecriture. Nous sommes convaincus que de notre compréhension de ce principe dépend notre fidélité à Dieu, et par conséquent la vitalité de son Eglise.
C'est pour nous une démarche nécessaire, et un signe possible de renouveau pour l'UEPAL de conduire les paroisses et autres lieux d'Eglise dans une réflexion théologique et spirituelle sur les convictions structurantes de notre foi chrétienne. Cette réflexion synodale en témoigne, aux côtés de bien d'autres initiatives prises localement, visant à clarifier et à faire vivre ces convictions.
Nous nous inquiétons pourtant de l'orientation fondamentale donnée à cette réflexion, qui nous semble assez unilatéralement tournée vers la question de l'interprétation. Sans ignorer les questions herméneutiques contemporaines, il nous semble qu'avec ce document, notre église est engagée dans une approche essentiellement fonctionnelle et horizontale de l'Ecriture, témoignant d'une pauvreté et d'une sécheresse spirituelle que nous identifions comme l'un des principaux maux de l'Eglise.
L'Ecriture, Parole de Dieu et parole humaine, rend témoignage au Christ Seigneur et Sauveur. De ce fait, elle ne peut être réduite à un simple objet d'étude et d'interprétation de la part de ses lecteurs. En tant que parole humaine, elle est bien sûr contextuelle, et demande à être située, notamment par le recours aux sciences historique et linguistique. Mais en tant que Parole de Dieu, elle est " vivante " (He 4, 12), et demande d'abord à être interprétée par elle-même, comme l'ont fait les réformateurs. En tant que parole humaine, elle demande l'effort de l'interprétation et de la distance. En tant que Parole de Dieu, elle fait entendre la voix vivante de l'Evangile, et est utile pour " enseigner, réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice " (2 Tim 3, 16). En tant que parole humaine, elle est appelée à faire sens. En tant que Parole de Dieu, elle est puissance propre à nous faire connaître notre péché, et la grâce par laquelle Dieu nous en délivre.
Cette double identité de l'Ecriture, sans laquelle une lecture croyante perd son sens, nous semble avoir été simplifiée au profit d'une approche plus humaniste que confessante. Par ce mouvement, les Eglises protestantes, qui n'ont cessé d'affirmer dans l'histoire l'autorité de l'Ecriture, opèrent un déplacement qui trahit un conformisme intellectuel à l'esprit du temps, en passant d'une autorité souveraine de l'Ecriture à l'autorité souveraine de l'interprète de l'Ecriture, dans une liberté qui ne dépend plus du Christ, " chemin, vérité et vie " (Jean 14, 6 ; Jean 8, 32).
Nous pensons et croyons toujours pertinent de prendre au sérieux aujourd'hui la notion de l'inspiration des Ecritures – notion quasi-absente du document de travail proposé, même si les rédacteurs, ne pouvant pas être exhaustifs, ont certainement dû faire des choix – afin de ne pas céder à ce transfert d'autorité si séduisant. Nous ne voyons pas dans la Bible un livre parmi d'autres, à lire et à étudier comme les autres, mais un ensemble de textes et d'auteurs inspirés par lesquels Dieu se révèle à nous. Loin d'être enfermante, cette conviction s'impose à nous comme un chemin où notre foi est appelée à grandir dans l'obéissance à la volonté de Dieu, par l'action de l'Esprit Saint.
Espérant le renouveau de notre église, nous voulons mettre l'accent sur une lecture priante et spirituelle des textes bibliques. C'est ainsi qu'il nous semble juste de faire face aux tensions et aux nœuds de sens qu'ils recèlent, en les recevant comme étant " mystérieusement liés à la volonté divine " . Nous croyons qu'une compréhension renouvelée de l'autorité de l'Ecriture est ferment de ce renouveau pour lequel nous prions et travaillons. Nous sommes conscients de l'importance de la tâche à accomplir, et confiants.
Nous souhaitons donc que dans sa réflexion l'Assemblée de l'Union intègre les recommandations suivantes :
Recommandations :
1. Que par sa réflexion sur le sujet de l'autorité de l'Ecriture, l'assemblée de l'Union confirme les orientations théologiques fondamentales prises en 2015, en affirmant sa volonté de promouvoir une lecture confessante des Ecritures.
2. Que l'UEPAL encourage davantage qu'elle ne le fait la formation biblique de ses membres, par une volonté forte et par des moyens adaptés.
3. Que l’UEPAL réfléchisse en particulier aux modalités de la formation spirituelle de ses futurs pasteurs, en mettant l’accent sur la spiritualité et l’adhésion de la foi dans le cadre de la lecture et de la méditation de la Bible. Dans cette perspective, on gagnerait à redécouvrir des orientations comme celles de Philipp Jacob Spener ou de Gerhard Terteegen, mais aussi à insister sur l’exploration des nombreux trésors spirituels que recèlent l’Eglise universelle (lectio divina, exercices ignatiens, oraison carmélite, hésychasme, etc…)
4. Que l’UEPAL ait le courage de se positionner dans une dynamique prophétique qui interpelle notre société en posant des paroles structurantes qui donnent des repères clairs ; ce qui implique de résister au relativisme ambiant et de refuser l’alignement pur et simple sur les diverses évolutions, modes et idéologies sociétales.
5. Que l’UEPAL ne se trompe pas de priorités : qu’elle réfléchisse aux implications de l’Evangile notamment quant à notre rapport à l’argent, au respect de la création, à l’accueil au sein de nos communautés des « petits », des exclus, des personnes en situation d’handicap, des personnes d'orientations sexuelles diverses.
Au sujet de la bénédiction des couples mariés de même sexe, sujet qui a en partie suscité cette réflexion sur l'autorité de l'Ecriture, nous pensons être fidèles au principe de cette autorité en insistant sur l'accueil et l'accompagnement pastoral de ces couples, sans que cela induise la possibilité d'une bénédiction
6. Que l’UEPAL continue à se laisser réformer par le Christ seul, en se laissant toujours à nouveau bousculer et remettre en question par l’Ecriture seule, et en abandonnant définitivement les querelles stériles et dépassées entre luthériens et réformés.
Pasteurs James Cloyd, Christophe Gonzales, Régine Kakouridis, Stéphane Kakouridis, Julien N. Petit, Pedro Torrejon.