Longtemps j’ai aimé cette phrase et je l’ai utilisée dans les liturgies de bénédiction de couples mariés : “Bénir c’est dire du bien de quelqu’un et faire tout son possible pour que ce bien arrive. Le Seigneur vous bénit…”
Aujourd’hui, je crois que cette phrase est un mensonge.
Bénir, ce n’est pas dire du bien
[ce paragraphe a été entièrement réécrit le 7 mai sous les conseils avisés des pasteurs Benoît Ingelaere et Eric George que je remercie]
Les théologiens sont avides d’étymologie. Mais en gardant l’étymologie latine comme critère de réflexion, pour un concept dont nous cherchons l’enracinement sémitique, nous commettons une erreur. Et notre théologie ne se fonde pas dans notre latinité mais dans le sémitisme de la Bible. Cherchons donc, plutôt que le bene-dicere, le barak des Ecritures.
Bénir, ce n’est pas dire du bien, mais énoncer ce qui est bien
Un groupe bénit ce qu’il cautionne. Pas ce qu’il trouve gentil ou joli. Ce qu’il pense bon et bien pour l’existence à long terme du groupe. Mais il faut aller plus en profondeur dans la réalité biblique pour comprendre ce que bénir veut dire dans les Ecritures. La bénédiction première dans le fil du récit biblique est celle du créateur qui lance son “C’est bon !” (TOV) au fil des réalités qu’il a créées en ordonnant le chaos (TOHU wa BOHU) initial. C’est bon quand la confusion entre le lumineux et le ténébreux cesse, quand l’entremêlement du mouillé et du sec touche à sa fin. Et ce n’est pas bon comme une catégorie de la morale, mais comme un décret divin. C’est bon parce que Dieu dit que c’est bon. C’est bon parce que Dieu décide et proclame haut et fort que c’est bon.
Bénir légèrement
Les adeptes de la bénédiction légère, celle qui dit du bien, restent au stade de la morale en pensant que le bien qui est proclamé par la bénédiction est quelque chose de l’ordre du cool, ou du sympa, qui sont les versions modernes du bien. Ces gens sont bien sympathiques alors on les bénit.
Mais la bénédiction biblique n’est pas un bien qui est socialement paramétré, le fruit d’une mode, d’une pensée majoritaire ou d’un sentiment collectif. Le bien de la bénédiction divine est le “Bien !” de Dieu.
Or c’est justement au moment où l’humain est créé masculin et féminin, en complémentarité, que Dieu dit que c’est “Très bon !” pour la première fois ! C’était déjà bon avant, mais ça c’est très bon, parce que ce ne sont pas seulement des jolies lampes (soleil et lune), des arbres sympathiques ou des grenouilles potelées, ce n’est pas de l’indifférentiation chaotique, c’est l’image du Dieu vivant qui est là dans l’humain différencié sexuellement.
Ainsi, bénir un couple ce n’est pas dire :
– vous êtes des gens géniaux,
– votre amour vous sauve,
– vous êtes conformes socialement,
– vous avez un projet qui est vraiment bien.
Bénir c’est dire de l’homme et de la femme, c’est dire à l’homme et la femme : “Vous êtes l’image du Dieu créateur, et votre couple dit l’union du Christ avec son Eglise, l’Épouse. Et cette union sera célébrée à la fin de l’Histoire, aux noces de l’Agneau. Votre unité est bien au-delà de vous. Elle vient de bien avant vous. Elle ne tient pas à vous. Elle ira bien au-delà de vous. Elle tient à la beauté et la bonté du projet de Dieu.”
Et ça ce n’est pas dire du bien.
C’est bénir Dieu, lui rendre grâce.
C’est dire “Très bon !” quand Il a dit “Très bon !”.
Ni plus, ni moins.
Pasteur Gilles Boucomont, le 5 mai 2015,
à la demande du groupe Facebook “UEPAL en débat – bénédiction de couples mariés de même sexe”,
en guise de pendant aux articles notamment du pasteur Marc Pernot dans “Evangile et Liberté”.Nouveau paragraphe