L’inclusivité, en deçà de la communion
L’inclusivité, notion devenue incontournable dans la vie de l’Eglise, a une fâcheuse tendance : celle de prendre le pas sur l’idée même de communion. Sémantiquement, la chose est presque entendue. Les termes «inclusif», «inclusivité», «inclusion» sont passés dans le langage courant, et largement plébiscités. On ne mesure pas toujours en revanche ce qu’ils veulent dire, ce qu’ils représentent : quelle vision de la société ? Quelle compréhension des relations ? Le piège est que personne ne peut décemment revendiquer sa préférence pour l’exclusion, qui en est l’exact contraire. Or en se limitant à une approche aussi binaire, nous nous empêchons de réaliser qu’en régime d’inclusivité nous nous situons en-deçà de la communion.
Attention, tous les termes, toutes les intentions ne se valent pas, même si les logiques peuvent se recouper. L’inclusion de personnes handicapées dans le champ social, ce que les acteurs du handicap appellent « la vie ordinaire », ou le « milieu ouvert », a été le leitmotiv d’un décloisonnement et d’une insertion souvent heureux. Pas sans limites, on en revient d’ailleurs ici où là, mais globalement heureux.
L’inclusivité est d’un autre ordre, et pose bien d’autres questions, qui n’ont que peu à voir avec cette inclusion-là. Elle a été captée par la question de la sexualité et du genre, et la difficulté que l’on a à bien la circonscrire tient à ce domaine à la fois intime et complexe. L’éthique chrétienne y voit bien sûr un intérêt, elle qui se préoccupe à juste titre d’éthique conjugale et familiale en tant que lieu relationnel où se vit un lien d’alliance et la transmission de la foi.
Inclure versus exclure. L’idée d’exclusion opère tellement fort comme effet repoussoir qu’on en oublie que le même Christ nous demande de ne pas nous rendre complice du mal, et de le combattre, avec les armes de l’Esprit et par le bien ((Ephésiens 6 ; Romains 12, 17). Il existe notamment dans l’Église des enseignements dont il faut se détourner, parce qu’ils mettent à mal la communion. Les élucubrations actuelles sur le genre et le sexe, partie intégrante de la militance inclusive, en font partie, pour plusieurs raisons.
D’abord parce qu’elles prennent désormais comme point de départ la disparition de la distinction entre le masculin et le féminin, conformément à la pensée Queer. Il est presque devenu honteux d’oser vouloir dessiner des lignes frontières entre l’un et l’autre. Ne parlons même pas de l’idée d’une complémentarité, immédiatement taxée de passéisme. Pour saisir ce que signifie l’inclusivité, il faut bien comprendre que nous ne parlons plus seulement de l’accueil fait aux personnes homosexuelles, question tout à fait légitime. La doxa LGBT, s’appliquant à refuser toute norme genrée, veut aller toujours plus loin dans l’autodétermination des individus, et cet élan passe par un effacement de la différenciation sexuée chère à l’Écriture. Dans ce sens, elle opère, sans être encore identifiée en tant que telle, comme cheval de Troie d’un transhumanisme asexué.
La posture inclusive interroge l’idée même de communion. En noyant le lien homme-femme dans l’indifférenciation, les théories inclusives distendent les liens, affaiblissent la nature même d’une relation fondatrice, et créatrice. Il suffit que quelqu’un autojustifie son genre (lesbienne, gay, mais aussi intersexe, asexué, et bien d’autres), pour qu’il trouve sa place dans le vaste mouvement d’affranchissement. Affranchissement qui n’est pas seulement celui de normes oppressives, comme les militants aiment à le répéter, mais aussi de l’idée que notre identité est tout autant donnée que socialement construite. Et, selon les termes d’une justification par la grâce, au moyen de la foi, donnée par Dieu. Le rejet inhérent à l’idéologie LGBT est donc aussi celui de Dieu, non seulement en tant que Créateur et en tant que Sauveur. Or sans ce fondement, qu’en est-il de la communion ? Elle déserte la place pour donner libre cours aux désirs du cœur humain, et à une adoration de la création (Romains 1, 24-25).
En régime d’inclusivité, la communion est avant tout une militance, avec les outrances que cela implique. Plus que le lien de communion, elle met en avant une juxtaposition des situations et des causes. En témoigne bien sûr le sigle cité plus haut dans sa forme brève LGBT, qui ne cesse de s’élargir, tout comme les drapeaux de ce mouvement, jusqu’à tomber dans l’absurdité d’un catalogue sans fin. Juxtaposition ne vaut pas communion, et la seule énumération ne dit pas l’appel du Seigneur à former « un seul corps ».
L’écriture inclusive suit malheureusement la même logique. Avec son point médian, elle cherche à juxtaposer masculin et féminin. De fait, elle appauvrit considérablement toute réflexion éthique sur le genre, et promeut dans un douteux accès de fièvre une visibilité du féminin. L’intention est légitime, mais le résultat désastreux tant sur le plan pédagogique de la simple lecture – les textes sont désormais illisibles, et pour cette raison, l’Éducation Nationale les interdit -, que sur le plan théologique. Il devrait être urgent de s’en séparer, et d’adopter des pratiques accordées aux ressources propres de la langue française : la fonction de neutre du masculin pluriel, le dédoublement modéré du masculin et du féminin, etc .. Nous ne pouvons céder dans l’Église, là où notre vie est déclarée comme étant « cachée en Dieu » (Colossiens 3, 3) à la seule exigence de la visibilité.
Il faut le répéter : accumulation et juxtaposition ne signifient pas communion. Celle-ci est d’un autre ordre, et promeut un accueil où la relation ne se limite pas à l’affirmation maladive d’une différence. Elle ne peut se satisfaire de revendications identitaires dans lesquelles l’autonomie de l’Homme est érigée en valeur souveraine. Bien au contraire, elle se met en quête d’une unité en Christ, au-delà des identités particulières. Il ne s’agit pas pour elle de faire étalage d’une diversité réputée bonne par elle-même, mais d’accepter le frère et la sœur comme membres à part entière d’un corps dont la tête est le Christ. Accueillons, oui, mais libérons-nous de cette emprise idéologique dite « inclusive ».
Julien N. PETIT
Fraternité de l'A.N.C.R.E
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