A vin nouveau


A vin nouveau...


...outres neuves ! » (Marc 2, 22). La parole du Christ a deux fois plus de raison de nous atteindre en ce mois de septembre, où coulent justement deux vins nouveaux. Bien connus, quoique toujours nouveaux.


Le vin de la rentrée d’abord, déclenchant sa petite ivresse du moment, toute pétillante de nouveauté, avec ses bulles d’appréhension et d’espoir.


Le vrai vin ensuite, qui sera bientôt pressé, et commencera bientôt à fermenter dans les cuves, dans une transformation chimique dont les débuts déménagent. C’est à ce processus que Jésus fait référence, à partir d’une science élémentaire. Comme fermente le vin nouveau, ainsi agit la proclamation du Royaume. Une puissante, une décapante nouveauté à ne pas mettre dans toutes les peaux !


Oui, l’Evangile fait du neuf. « Voici, je fais toutes choses nouvelles » annonce la voix venue du trône dans le livre de l’Apocalypse (21, 5). Comme chrétiens, l’un des aspects de notre vocation consiste à décrypter le langage de la nouveauté, qui ne brille pas toujours et partout des mêmes feux. Prenons par exemple deux des grandes directions qu’il peut emprunter : la nouveauté dans l’innovation, la nouveauté dans le renouveau, et essayons de les distinguer.


L’innovation est une notion capitale dans l’air de notre temps. Une valeur forte, incontournable. Quasiment érigée en dogme, et soutenue par une sphère techno-scientifique toujours en mouvement. Elle parle méthode, met en place des process, cherche à se dépasser en permanence, si possible en dépassant les autres … L’innovation renvoie plutôt à des dispositions extérieures, à des manières de faire. Elle s’intéresse aux aspects techniques : la technologie, mais aussi les techniques d’organisation, de management, l’économie …


Le renouveau quant à lui nous parle d’un peu plus loin. Il se fait entendre depuis le « fond des choses », du côté d’un être intérieur qui voit sa nouveauté dans l’approfondissement ou dans la redécouverte. Il s’appuie sur des traditions, il ne prétend pas à l’invention décisive, il préfère l’idée d’un juste retour, d’une régénération. Il évoque même, osons le terme sans rougir, une renaissance. Ici et là, on parle de renouveau : de l’art contemporain, du tricot, de la vie rurale … : de l’ancien revisité, actualisé. Le Christ fait du neuf, pourtant, le Royaume qu’il annonce n’a-t-il pas été préparé « depuis la fondation du monde » (Matthieu 25, 34) ?


En période de crise, l’Eglise se laisse plus facilement prendre au jeu de l’innovation. On change les formes, en espérant qu’elles « parleront » davantage. On propose par exemple des cultes « autrement », des temps de rencontre originaux.


L’innovation créé parfois une heureuse surprise. Elle apporte alors un renouvellement de nos pratiques, qui peut augurer des mouvements plus profonds.


D’autres fois, elle tombe spirituellement à plat. On en revient avec l’impression d’avoir confondu le printemps avec une photo du printemps.


On le voit autour de nous : la fabrique perpétuelle du neuf finit par fatiguer. L’être humain peut-il grandir en étant seulement tendu vers l’avant, vers un toujours mieux, ou toujours plus ? La fabrique du neuf est vorace en énergie, et peut vite manquer de sens, ou de souffle.


« C’est pourquoi nous ne perdons pas courage, et alors même que notre être extérieur dépérit, l’être intérieur se renouvelle de jour en jour »

(2 Corinthiens 4, 16)


Il serait réducteur de rester dans une opposition binaire entre innovation et renouveau. Il est vain de chercher seulement des nouveautés « techniques » pour accomplir la vocation de l’Eglise. Si elles ne véhiculent pas le message du Christ Sauveur et Seigneur, les plus belles inventions échoueront à atteindre le but. Inversement, la Parole de l’Evangile n’a cessé, au cours de l’histoire, de se saisir des moyens les plus modernes mis à sa disposition. Elle est ainsi passée de l’oral à l’écrit imprimé, et désormais de l’écrit à une parole mise en images, et animée ?


L’innovation parlerait-elle davantage à l’intelligence, quand le renouveau parlerait au cœur ? Nous avons besoin de ces deux organes pour vivre pleinement avec le Seigneur, pour l’aimer et le servir. Chercher le renouveau comme on revient à la source biblique, à la source de la prière, de l’édification et de la sanctification par la Parole de Dieu. Mais aussi innover, faire le pas de côté qui permettra de laisser vivre la fraîcheur ou le feu de l’Esprit. Et de faire couler un vin nouveau depuis la coupe du salut. Soyons donc inventifs, mais profonds, attentifs, mais audacieux !


Julien N. PETIT

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