Contribution à la réflexion

A propos du livret
Couples, Familles, Parentalités

Réflexions et propositions
en vue de l’Assemblée de l’Union
du 17 novembre 2018


I. Introduction

Dans la démarche initiée par notre Union d’Eglises, l’UEPAL, nous nous sentons directement
concernés par les sujets relatifs à l’éthique familiale et voulons entrer résolument dans la
discussion qui sera menée au cours de l’année 2018-2019.
Nous présentons donc ici des éléments de réflexion et des points de vue propres à nourrir les
échanges à venir.

1. Sensibilité et discernement
Couples, familles, parentalités : prendre la parole sur ces sujets ne peut se faire qu’en ayant
conscience qu’ils touchent à la sphère de « l’intimité » et qu’ils demandent par conséquent une
attitude humble et bienveillante.
Cependant, nous croyons important de rappeler que l’Eglise n’est pas livrée à elle-même, à ses
seules appréciations et sensibilité face aux réalités humaines qu’elle vit, côtoie et accompagne.
Nous voulons donc appuyer ici notre discernement et notre réflexion sur le Christ tel que les
Ecritures le révèlent, avec l’éclairage de la théologie et de la tradition protestantes. Nous prions
de connaître sur ce sujet comme sur tout autre le « renouvellement de notre intelligence »
(Romains 12,2), en permettant à Dieu de le faire en nous et en y inscrivant nos forces.

2. Réfléchir en contexte
Une éthique familiale est toujours située dans un contexte : un contexte familial personnel
pouvant déterminer et expliquer des points de vue ; un contexte culturel et sociétal, soumis à
des changements profonds comme à des courants d’opinion plus superficiels. Une réflexion au
sujet de la famille doit prendre en considération ces éléments.
Cette considération, qui est l’un des visages de la foi chrétienne, n’est pas sans risque,
notamment celui de se conformer purement et simplement aux tendances du moment, aux
pensées convenues qui les déterminent, par manque de discernement ou de courage comme cela
est évoqué par Christian Albecker dans la préface de l’ouvrage. Pour appartenir vraiment au
Christ, l’Eglise ne peut manquer ni de ce courage, ni de ce discernement qui lui sont donnés
pour sa tâche particulière.

3. L’outil proposé
Le livret Couples, Familles, Parentalités a été mis à disposition des conseils presbytéraux de
l’UEPAL dans le but de susciter discussions et contributions.
Nous nous réjouissons de la démarche synodale consistant à donner la parole au plus grand
nombre en vue d’une synthèse et d’une parole d’Eglise.
Dans sa forme, ce livret est très bien fait. Des extraits de textes courts et faciles à comprendre,
des illustrations, des couleurs : tout cela en fait un outil attractif.
Cependant, plusieurs éléments suscitent chez nous des réserves et des interrogations. Ce livret
nous semble au final peu approprié pour parvenir dans de bonnes conditions à des prises de
position, et d’abord en raison d’un manque d’objectivité dans la présentation de certains sujets.
Nous explicitons ce point de vue dans les réactions et contributions ci-dessous.
Remarquons dès maintenant que le seul titre de l’ouvrage sonne déjà comme une injonction à
ne plus parler au singulier, et donc à renoncer à toute affirmation qui ressemblerait à une norme,
ou à une définition de ce qu’est une famille. La question est d’ailleurs formulée, résumant ainsi
l’intention de l’ouvrage : « Quid des normes ? » (Thierry Goguel d’Allondans, p.48).

4. La démarche synodale
Selon les échéances précisées par le Conseil de l’Union, une assemblée à vocation délibérative
est prévue en novembre 2018, avant une deuxième assemblée décisionnelle en juin 2019.
Nous approuvons cette méthode qui donne du temps à l’Eglise dans sa recherche d’un débat
respectueux des positions divergentes, et, ultimement, dans sa recherche de vérité.
Les réflexions et propositions faites dans ces pages veulent être une contribution constructive à
ce débat.
Le sujet de l’éthique familiale mérite pour nous plus qu’une simple évaluation de l’outil
proposé, à savoir le livret Couples, Familles, Parentalités. Pourtant, celui-ci nous semble
témoigner d’un parti pris qui ne crée pas les conditions d’une discussion équilibrée, c’est la
raison pour laquelle nous présentons ici à la fois nos réactions et notre contribution, faisant sans
doute entendre une voix singulière au sein de notre Union d’Eglises.

II. Réactions et contributions

1. A quelle autorité nous référons-nous ?
En Eglise, une riche tradition herméneutique impose de formuler la question. Cette tradition a
pris en considération depuis longtemps l’apport des sciences humaines. Les savoirs de la
psychologie, de la sociologie ou de l’histoire sont éminemment respectables, et enrichissants.
Toutefois dans les Eglises protestantes ce sont les Ecritures qui restent la référence centrale en
matière de théologie et d’éthique, en ce qu’elles annoncent le Christ en tant que révélation de
l’amour de Dieu pour ce monde, mais aussi en tant que signe de contradiction (Matthieu 10,34
et autres), lumière que le monde n’a pas reçue (Jean 1,5).
Nous nous reconnaissons dans un protestantisme qui au long de son histoire n’a pas fui la
confrontation à la réalité. Notre foi dans le Christ nous engage à une lucidité courageuse et
parfois difficile parce qu’elle vient en particulier éclairer notre péché, dans la perspective du
Royaume à venir.
Pour autant, il nous paraît insuffisant, et même contraire au principe d’une foi fondée sur les
Ecritures, de donner trop d’autorité aux réalités du temps, ce dont nous semble globalement
témoigner le contenu du livret.
En effet, telle qu’elle y est initiée, la réflexion ne se donne pas les moyens de cette référence
aux Ecritures, « compagnon constant » de tout travail théologique, comme la nomme Jacques
Ellul1. Aussi nous nous interrogeons : comment pouvons-nous nous mettre encore ensemble à
l’écoute de l’interpellation de la Parole de Dieu et y répondre si nous ne donnons pas aux
Ecritures le rôle fondamental qui leur revient ? Constituent-elles encore la norme de notre foi ?
Or les seules approches bibliques proposées – « Le couple se parle » et « La filiation
spirituelle » – sont malheureusement unilatérales. Pour aider le lecteur à se faire une opinion,
il aurait été juste de mettre ces textes en dialogue avec des écrits exposant une autre
compréhension des données bibliques.
L’auteure, Ruth Wolff-Bonsirven, explique par exemple que seule importe la parole
échangée qui fait de l’aventure du couple un dialogue, une conversation permanente. Nous
ne contestons pas le rôle de la parole. Dans l’article « Couple et mariage : vers une éthique
biblique pour une conjugalité d’aujourd’hui » résumé dans le livret par le texte « Un
couple se parle » (page 12), Ruth Wolff-Bonsirven se réfère au Logos créateur et
rédempteur du prologue de Jean, via la thématique de la sarx, la « chair » : « ils
deviendront une seule chair » de Genèse 2,24 cité par Jésus en Marc 10,8 est rapproché de
« la Parole s’est faite chair » en Jean 1,14 sur la base de l’analogie de la foi. Mais il faudrait
alors aller jusqu’au bout de la démarche. Ce Logos fait chair en Jésus Christ est la Parole
par laquelle en Genèse 1 Dieu crée en libérant le réel du chaos : cette Parole est
ordonnatrice, elle nomme et différencie la lumière et les ténèbres, les eaux d’en haut et
celles d’en bas, la terre de la mer, le jour et la nuit, le masculin et le féminin. C’est cette
Parole « pleine de grâce et de vérité » qui pose le socle d’une anthropologie biblique de la
différentiation. Dès lors, affirmer que le couple homme-femme n’a rien d’immuable et que
toutes les nouvelles formes de conjugalité se valent à partir du moment où elles se déploient
autour des principes de respect de l’autre, de fidélité et de dialogue, c’est trahir la Parole
créatrice et rédemptrice en déconstruisant l’anthropologie de la différenciation pour oeuvrer
en faveur de la confusion et du retour au chaos.
D’autres contributions dans le livret soulignent le caractère fluctuant des modèles conjugaux et
familiaux dans la Bible et dans l’histoire. Mais peu soulignent la constance et la cohérence de
certains thèmes et valeurs qui se déploient dans les Ecritures par-delà les contextes.
Pour notre part, nous aimons à rappeler que parmi toutes les métaphores qui décrivent
l’Alliance de Dieu avec l’humanité, celle des noces est fondamentale. Il s’agit d’une
thématique qui traverse les Ecritures. La bien-aimée de Dieu, c’est d’abord l’humanité
créée. Après la chute, il s’agit plus particulièrement d’Israël et de l’Eglise comme signes
d’une humanité restaurée dans sa dignité nuptiale. Le couple Dieu/humanité est appelé à
se refléter dans le monde à travers la relation homme/femme ; et l’altérité radicale
Dieu/monde et Dieu/humanité est appelée à se refléter dans l’altérité homme/femme, via
la différentiation sexuée qui constitue un socle. La communion entre Dieu et l’être humain
est destinée à porter du fruit ; et la fécondité de l’Esprit Saint dans l’Eglise inspire la
possibilité (et non l’automaticité) de la fécondité physique du couple humain. L’Alliance
du Seigneur qui est l’Epoux avec son peuple qui est l’épouse a infusé progressivement
des notions qui ont finalement nourri une vision biblique du couple hétérosexuel et
monogame : la liberté de consentement, l’engagement, la tendresse, le désir, la passion
amoureuse, le pardon, la fidélité dans la durée, la relation de vis-à-vis dans le cadre d’un

1 « La Bible dans sa totalité ne doit pas être un simple point de départ, ce qui voudrait dire que nous nous en éloignons au fur et à mesure, mais bien le compagnon constant de ce travail, la référence de toute parole, et en réalité le guide total sans aucune indépendance de notre part », in Jacques Ellul, Les sources de l’éthique
chrétienne, Labor et Fides, 2018, p.57
face à face dans la différentiation sexuée ainsi qu’un projet d’enfants. Sur ce point, la
référence à l’ouvrage de Pascal Geoffroy sur le mariage aurait été d’un grand apport dans
le livret2.
Nous proposons
Qu’un travail biblique et théologique approfondi vienne compléter l’approche à dominante
sociologique et psychologique développée dans le livret. Un travail approfondi a été mené ces
dernières années qui a abouti à l’ouvrage de référence Famille et conjugalité3, qui serait une
ressource à mobiliser.

2. La bénédiction des couples mariés de même sexe
Dans l’ensemble des problématiques abordées apparaît celle de la bénédiction des couples
mariés de même sexe, et de nombreuses considérations sur les familles homoparentales.
Ces sujets dont l’actualité est incontestable ont bien entendu leur place dans un dossier d’études
sur les questions familiales, et nous ne sommes pas partisans d’une quelconque politique de
l’autruche en la matière.
En revanche, nous trouvons regrettable que la question de cette bénédiction, qui a déjà fait
l’objet d’un débat au sein de notre Union d’Eglises se trouve ici noyée au milieu d’autres sujets
d’importance diverse. Or, chacun le sait : l’objectif principal poursuivi est d’aboutir à une
décision concernant la bénédiction des couples mariés de même sexe.
Qui plus est, cette question ne fait pas l’objet d’une présentation contradictoire, les
contributions sur le sujet allant toutes dans le même sens favorable à cette bénédiction. Nous y
voyons un parti-pris extrêmement dommageable.
Ainsi Isabelle Grellier-Bonnal présente une compréhension de la bénédiction nuptiale (p.38)
qui appelle au débat, mais sans contradiction dans le livret.
D’une part, pour l’auteure la bénédiction est sans aucun rapport avec une
approbation divine sur nos projets et notre orientation sexuelle ; mais elle signifie la
sollicitude et l’accompagnement de Dieu, son « oui » inconditionnel qui « dit du bien » de
nous en même temps qu’il nous adresse « un appel à laisser l’Evangile transformer nos
vies. » Le lecteur n’a plus qu’à conclure qu’il est possible de bénir toute forme de relation !
Or, la bénédiction nuptiale consiste davantage à dire le Bien de Dieu, son Projet référé à
l’ordre de la création (en hébreu le verbe bénir a pour racine le verbe créer) et aux
commandements divins.
D’autre part, Isabelle Grellier-Bonnal affirme que « la bénédiction du mariage concerne
les personnes, plus que leur lien qu’il ne faut pas sacraliser », sous prétexte qu’elle n’est
pas une garantie contre les difficultés et la rupture. Mais personne n’a jamais prétendu que
la bénédiction serait un acte magique qui donnerait une assurance tous risques aux époux.
Elle est une Parole qui ouvre un chemin, qui met en marche et qui engage et responsabilise
les conjoints ; à ce titre, elle ne s’inscrit en rien dans une « grâce à bon marché » !
Là encore, l’honnêteté aurait été de proposer au lecteur une autre approche, comme par exemple
celle de Pierre Glardon :
2 Pascal Geoffroy, Le mariage, Ed. Passiflores, 2015

Famille et conjugalité. Regards chrétiens pluridisciplinaires, Nicole Deheuvels et Chrisophe Paya (Dir), La
Cause /Excelsis, 2016
« La première chose dont il importe de prendre acte est que la bénédiction (divine,
paternelle) présentée dans l’Ancien et le Nouveau Testament, n’est jamais un bien acquis
pour toujours. Elle n’est pas opérative en elle-même, corrélée qu’elle est toujours à un
cheminement personnel et au respect des commandements de Dieu : « Heureux est
l’homme, celui-là qui ne va pas au conseil des impies, (…) mais se plaît dans la voie de
Dieu » proclame le Psaume 1. (…) Une bénédiction n’est pas une formule magique et
protectrice. Elle ne garantit rien, et ses éventuels bénéficiaires (ici : les époux) n’en seront
pas moins confrontés aux difficultés et aléas de la vie et de la conjugalité (...)
Pour bien comprendre la portée d’une bénédiction, nous devons nous souvenir que le terme
désigne plus un souhait ou un voeu pieux, qu’une formule magique et opérative,
réminiscence de compréhensions habituelles en Histoire des religions dont Israël s’est
progressivement distancé. Dans cette perspective, bénir un être, rappelle David Banon,
c’est avant tout – selon la compréhension hébraïque du terme – le définir (lui donner les
moyens de distinguer en lui un ensemble de qualités, de forces et de charismes) puis
souhaiter explicitement la maturation et l’épanouissement de ces qualités, pour le bonheur
de ceux qui croiseront son chemin. Sur cette base, on mesure mieux à quel point une
préparation de mariage digne de ce nom devrait autant permettre aux époux de prendre
conscience de leurs forces que leur donner un viatique psychique et spirituel pour le
chemin. »4
Jean Vilbas présente différentes façons de célébrer des bénédictions d’union de couples de
même sexe. Cette présentation peut être lue comme une invitation à nous aligner sur ces
pratiques. Or, pour l’équilibre, il aurait été heureux qu’elle soit contrebalancée par une prise de
position contre cette bénédiction.
Face à ce qui apparaît comme une revendication actuelle, la fidélité aux Ecritures nous impose
de vivre une tension féconde entre accueil bienveillant et fermeté dans le refus de bénir. Dès
que nous quittons ce type de positionnement dialectique qui allie le « oui » et le « non », nous
quittons aussi le terrain de la fidélité aux Ecritures dans leurs tensions créatrices. Or, dans le
livret Couples, Familles, Parentalités, c’est surtout le « oui » que nous entendons…
Nous proposons :
Que la question de la bénédiction des couples de même sexe soit traitée à part, pour la raison
qu’elle peut avoir un impact direct sur notre pratique ecclésiale, contrairement à d’autres sujets
abordés dans le cadre de cette brochure.

3. Le couple
Nous saluons l’intérêt porté au couple dans la première partie de l’ouvrage. Nous voyons dans
la présence de l’Eglise aux côtés des couples et des familles l’une de ses tâches primordiales
dans la société actuelle, où ces réalités fondatrices sont extrêmement fragilisées, marquées, ainsi
que l’écrit Irène Théry, par un sentiment d’abandon auquel nous ne pouvons rester sourds.
Comme nous l’avons déjà dit, nous nous référons à l’image du couple utilisée à maintes reprises
dans les Ecritures pour évoquer la relation que Dieu entretient avec son peuple, et plus tard,
avec son Eglise.
4 Pierre GLARDON « Conjugalité et divorce », in : Pierre GLARDON et Eric FUCHS, Turbulences -
les Réformés en crise, Le Mont-sur-Lausanne, Editions Ouverture, 2011, pp. 191-192
Précisément, dans cette relation prévaut une attitude de fidélité, affirmée comme vertu divine,
et appelée à se réaliser toujours davantage chez les humains. Nous ne pouvons adhérer à
l’affirmation consistant, pour la bonne formule, à promouvoir le divorce comme une « invention
géniale » (Olivier Abel, p.44).
En revanche, nous recevons donc positivement les contributions éclairant les mécanismes
relationnels à l’oeuvre dans les couples et les familles : les liens de parole, de transmission
notamment, soulignant qu’une famille, tout en étant d’abord par naissance, continue à se
construire dans le temps et par le biais de parcours singuliers, où chacun peut répondre à des
aspirations propres.
Nous partageons la position de Karsten Lehmkühler sur « la pertinence et l’actualité des idées
des réformateurs sur le mariage » conçu comme « ordre créationnel » et « union durable entre
homme et femme, ouvert pour l’accueil d’un tiers, l’enfant », et qui « incarne trois relations
fondamentales de la vie humaine : un lien d’alliance, un lien de filiation et un lien de fratrie »
(p.34). Mais nous regrettons que cette position soit tout à fait marginale dans le livret.
Nous récusons le fait qu’un couple homosexuel puisse être mis sur le même plan
anthropologique qu’un couple hétérosexuel, pour la raison que la différence fondatrice hommefemme
n’y existe pas. Cette différence tend à disparaître dans la plupart des textes proposés, où
les termes de « conjoints » ou encore de « personnes » sont utilisés dans la plupart des cas en
lieu et place de l’homme et de la femme.
Nous proposons :
Que dans le cadre d’une éthique familiale soit affirmée théologiquement comme fondatrice du
couple la différenciation sexuée, telle que les Ecritures l’envisagent.

4. La filiation
Avec la multiplication des recompositions familiales et les revendications liées à
l’homoparentalité, le lien de filiation se trouve au coeur des problématiques familiales.
Ce questionnement fait écho à la Bible en ce qu’elle révèle la venue du Fils de Dieu, et qu’ainsi
elle déclare les croyants « enfants de Dieu » ayant reçu un « Esprit d’adoption »
(Romains 8, 15).
Nous constatons que la tendance générale de la réflexion tend à minimiser, voire à négliger
dans la filiation les liens de sang, et toute considération liée au corps et à ses limites biologiques.
En affirmant de façon exclusive qu’une famille se « fait », on finit par négliger l’autre réalité :
une famille s’hérite aussi, et elle « est ».
Notre lecture de la Bible ne nous laisse pas croire, comme cela est affirmé sans contradiction
encore une fois, qu’avec le Nouveau Testament la « filiation spirituelle » se substitue à la
« filiation biologique » de l’Ancien Testament (Ruth Wolff-Bonsirven, p.60). Dans les
Ecritures, la réalité de la paternité spirituelle, divine et humaine, est une donnée qui vient en
complément et non en remplacement de la première. Vouloir s’appuyer sur la filiation
spirituelle pour relativiser le lien biologique nous semble dangereux et destructeur de repères
structurants. Là encore, confusion et chaos pointent leur nez.
Nous voyons dans la filiation au contraire un double lien irréductible : lien de sang d’une part,
lien d’alliance et de parole d’autre part5. Aussi, il ne suffit pas de changer la parenté en
5
Comme par exemple le développe France Quéré, in La famille, Ed. du Seuil, 1990, p.235
parentalité pour effacer le premier de ces liens. Nous ne pouvons nous reconnaître par
conséquent dans l’affirmation arbitraire et réductrice selon laquelle la famille nucléaire pèremère-
enfant est le problème (Irène Théry, p.50).
De la même manière, nous ne pouvons accepter que l’homoparentalité ne soit envisagée que
sous l’angle, réducteur lui aussi, de la difficulté à adopter et de la discrimination potentielle des
enfants, comme cela est proposé (Jean Vilbas, p. 64 ; Thierry Goguel d’Allondans, p.48). Il
s’agit d’une question anthropologique qui mérite un examen plus profond, du fait même de la
stérilité naturelle d’un couple homosexuel.
Ces constats et convictions nous amènent enfin à nous interpeler sur les évolutions technicoscientifiques
qui en appellent sans cesse à une nouvelle tâche de discernement entre ce qui est
possible et ce qui est souhaitable, tâche propre à toute éthique. Ce fait à lui seul mérite une
étude, dont quelques prémisses seulement sont esquissées (Antoine Nouis, p.68).
Nous proposons :
Qu’à propos de filiation l’on commence par considérer la dimension corporelle et biologique,
y compris la différence sexuée, comme limite naturelle et identité données, et non seulement le
genre comme construction sociale.
Que soit approfondie la réflexion sur le fait technicien et le progrès scientifique mettant
l’homme au défi de se dépasser ou d’accepter certaines limites, pour que ce point ne reste pas
le point aveugle d’une éthique familiale.
III. Vers une parole d’Eglise
En nous inscrivant dans la démarche synodale proposée par le Conseil de l’Union, nous avons
souhaité apporter cette contribution théologique.
Nous voulons dans cette optique encore souligner quelques aspects qui nous semblent
importants pour l’aboutissement d’une réelle démarche synodale, en regardant tant à l’intérieur
qu’à l’extérieur de notre Union.
1. Nous pensons qu’il existe un fort courant tant dans la société que dans notre Eglise tendant
au relativisme et à la confusion. Cette attitude ne va pas sans un conformisme dérangeant
au vents dominants de l’époque, qui ne saurait devenir la raison d’être et de croire de
l’Eglise. Ce n’est d’ailleurs pas ce qu’exige d’elle le commandement d’amour du Christ.
2. Nous sommes conscients que certaines prises de position nous engagent, laïcs ou pasteurs,
dans des formes exigeantes d’écoute et d’accompagnement de toutes les familles, afin que
nous restions au service et témoins de l’Evangile de grâce de Jésus-Christ. Nous estimons
que nos marges de progression dans la formation des membres de nos Eglises restent
conséquentes et nous voulons nous attacher à les développer.
3. Il nous semble important que l’Assemblée de l’Union ne prenne ses décisions sur ces
questions d’éthique familiale qu’avec le soutien d’un large consensus. Dans le cas contraire,
les conséquences en seraient certainement fâcheuses pour notre Union d’Eglises. La très
faible participation à la consultation engagée est déjà en elle-même le signe d’une grande
prudence, sinon d’un embarras sur les questions traitées dans le livret. Elle doit donc être
prise en considération.
4. Nous demandons que toute décision sur ces sujets sensibles soit respectueuse autant des
choix des conseils presbytéraux, que de ceux des pasteurs. Dans la recherche d’un
consensus, une attention particulière devra être portée à la parole des délégués laïcs, pour
que toute décision soit le fruit de leur large consultation.
5. Nous espérons que dans sa décision, l’Assemblée de l’Union ne perdra pas de vue l’enjeu
de l’oecuménisme avec nos frères et soeurs catholiques, orthodoxes et évangéliques. Les
relations fraternelles avec ces derniers ont été mises à mal par la décision de l’EPUdF
d’autoriser la bénédiction des couples mariés de même sexe. Ce type de positionnement en
Occident menace d’éclatement, au niveau mondial, les communions luthériennes et
réformées. Apportons notre pierre à l’unité et non à la division.
Les convictions et demandes que nous exprimons ici nous engagent pleinement. Nous espérons
contribuer ainsi au dialogue dans un esprit de respect mutuel avec toutes celles et ceux que le
Christ appelle dans son Eglise. Nous implorons sur nous son secours et sa grâce.

Groupe de rédaction du document


Cheryl CLOYD - Animatrice de paroisse à Cronenbourg-Cité
James CLOYD - Pasteur à Cronenbourg-Cité
Christophe GONZALEZ - Pasteur à Weinbourg
Régine KAKOURIDIS - Pasteure – référente théologique à la SEMIS
Stéphane KAKOURIDIS - Pasteur à Saint Nicolas, Président du Conseil Presbytéral et Communautaire
Julien N. PETIT - Pasteur-Aumônier à l'AUP
Christian SCHUBERT - Pasteur à Saint-Avold, Vice-Président du Conseil Presbytéral
Pedro TORREJON - Pasteur à Hoerdt-Weyersheim, Président du Consistoire de Brumath



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